La tokophobie : comprendre et surmonter la peur de l’accouchement

La tokophobie, également connue sous le nom de peur intense de l’accouchement, affecte environ 14% des femmes. Mais qu’est-ce qui cause cette phobie et comment peut-elle être traitée ? Nous avons demandé à Nathalie Lancelin-Huin, psychologue, de nous donner des éclaircissements sur le sujet.

Quel est le nom médical de la peur d’être enceinte et de donner naissance ?

La tokophobie, également connue sous le nom de tocophobie, est une phobie caractérisée par une peur intense de l’accouchement. Le terme tokophobie vient du grec « tokos », qui signifie accouchement, et « phobos », qui se traduit par peur. Cette phobie peut également inclure la peur de la grossesse pour certaines personnes.

Qu’est-ce que la tokophobie et quelle est sa signification ?

La tokophobie est une condition dans laquelle l’anxiété liée à l’accouchement devient si intense qu’elle se transforme en phobie et en évitement de la grossesse. Elle est reconnue comme une maladie par l’Organisation Mondiale de la Santé depuis 1997. Selon une étude publiée en 2017, environ 14 % des femmes peuvent être touchées par cette phobie. La tokophobie peut se manifester de manière consciente ou inconsciente, et les femmes peuvent en souffrir à différents degrés. Dans le cas de la peur consciente, la femme peut se sentir incapable de faire face à l’accouchement ou ne jamais se sentir prête. Dans le cas de la peur inconsciente, la phobie peut se manifester dès le début de la grossesse et faire remonter des souvenirs douloureux. En plus de la grossesse physique, il y a aussi une dimension émotionnelle et psychologique qui se développe et qui peut réveiller des expériences passées. Il est important de prendre en compte ces aspects lors de la prise en charge de la tokophobie.

Quand commence la tokophobie ?

Il est tout à fait normal d’éprouver de la peur ou de l’anxiété à l’idée d’accoucher. Cependant, certaines personnes peuvent ressentir une angoisse plus intense, voire une véritable phobie, qui les pousse à éviter complètement la grossesse et l’accouchement. On appelle cela la tokophobie.

Les trois principales formes de tokophobie : comment vivre avec cette phobie

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En 2020, deux psychiatres britanniques de l’hôpital psychiatrique Queen Elisabeth de Birmingham, Kristina Hofberg et Ian Brockington, ont mené une étude sur 26 femmes atteintes de tokophobie. Cette phobie se manifeste sous différentes formes en fonction des circonstances dans lesquelles elle se déclenche : la tokophobie primaire, la tokophobie secondaire et la tokophobie comme symptôme d’une dépression prénatale.

La peur extrême de la grossesse et de l’accouchement

La tokophobie primaire se réfère à la peur de donner naissance lors d’une première grossesse. Cette peur peut se manifester dès l’adolescence. Les femmes qui en souffrent ont tendance à utiliser différentes méthodes contraceptives simultanément afin d’éviter toute grossesse. Même si elles décident de fonder une famille, cette peur persiste et peut même s’intensifier pendant la grossesse.

La tokophobie secondaire est une forme spécifique de tokophobie

La tokophobie secondaire se manifeste après avoir vécu une première expérience d’accouchement difficile, que ce soit pour des raisons médicales (comme une extraction instrumentale, des complications pour le bébé ou la maman, une fausse couche, etc.) ou psychologiques. Il est important de souligner que même si l’accouchement s’est bien déroulé sur le plan médical, la patiente peut avoir mal vécu cette expérience en raison de la douleur inattendue, de la peur de mourir ou de ne pas savoir quand cela allait se terminer. Cela a été observé par Nathalie Lancelin-Huin, spécialiste dans le domaine.

La tokophobie en tant que manifestation d’une dépression pendant la grossesse

Lorsqu’une femme est enceinte, elle traverse de nombreux changements à différents niveaux, que ce soit sur le plan physique, psychologique, émotionnel, familial, social ou matériel. Il n’est pas rare que cela puisse entraîner un syndrome dépressif pendant la grossesse. Parmi les symptômes possibles, le fait de se sentir incapable d’accoucher peut être un signe de cette dépression prénatale.

Les signes caractéristiques de la tokophobie

Lorsque l’on souffre de tokophobie, la peur intense de l’accouchement, cela peut se manifester de différentes manières physiques. Selon la psychologue Nathalie Lancelin-Huin, le corps réagit à cette anxiété en présentant des symptômes tels qu’une sensation de serrement au niveau du plexus solaire et de la gorge, des maux de ventre, des palpitations, des sueurs froides, des problèmes de sommeil, des crises de panique, des pensées obsessionnelles, et une difficulté à parler de l’accouchement. Chaque femme peut réagir différemment face à cette peur. Certaines peuvent éprouver des difficultés à en parler, tandis que d’autres peuvent en parler de manière excessive pour exprimer leur angoisse. Certaines femmes, face à cette peur, peuvent envisager d’avoir une césarienne, désirer une anesthésie générale pour ne rien ressentir et ne pas vivre l’accouchement, ou même envisager une gestation pour autrui (GPA). Il est important de noter que ces symptômes peuvent varier d’une femme à l’autre.

Causes de la tokophobie : quelles sont les raisons de la peur liée à la grossesse et à l’accouchement ?

Il existe plusieurs raisons qui peuvent conduire à une peur de l’accouchement, notamment l’image de douleur qui est associée à cet événement dans notre société. Pendant de nombreux siècles, le taux de mortalité lié à l’accouchement était élevé, ce qui est souvent rappelé dans les films et la littérature de l’époque. Cette peur peut également être transmise de génération en génération, notamment si l’on a des arrières-grands-mères qui sont décédées en couches. De plus, l’expérience traumatisante de sa propre mère qui a peut-être pensé qu’elle allait mourir lors de l’accouchement peut également contribuer à cette peur. Les témoignages de souffrance de proches ou d’inconnus sur les réseaux sociaux, ainsi que les images véhiculées par les films et les documentaires, peuvent également renforcer cette peur. En outre, des mouvements tels que #MeToo, qui dénoncent les violences sexuelles, les violences obstétricales et gynécologiques, créent un contexte propice au développement de cette peur.

Quelles sont les conséquences possibles de la peur de la grossesse et de l’accouchement ?

La tokophobie, aussi connue sous le nom de phobie de la grossesse et de l’accouchement, est une peur intense et irrationnelle qui peut amener une femme à rejeter l’idée même de tomber enceinte ou à demander une césarienne. Cette phobie peut avoir de graves conséquences, telles qu’une interruption volontaire de grossesse, des vomissements intenses pendant la grossesse ou même une demande de stérilisation pour éviter toute nouvelle grossesse. Il est important de comprendre que la tokophobie est une condition réelle et qu’elle peut nécessiter un traitement approprié pour aider les femmes qui en souffrent.

Traitements et solutions pour surmonter la tokophobie

Il est important de se renseigner sur la grossesse et l’accouchement, mais il faut rester prudent. Trop d’informations peuvent provoquer de l’anxiété pendant la grossesse, ce qui peut nuire au lien mère-enfant. Certaines femmes sont tellement préoccupées qu’elles se distancient de leur grossesse et de leur bébé jusqu’à ce que l’accouchement soit passé. Il est normal d’avoir peur face à cette expérience éprouvante. Il est conseillé de connaître sa tolérance à la douleur et d’en parler à un professionnel de santé, comme son médecin ou sa sage-femme, pour obtenir un soutien psychologique. Pendant la grossesse, il est recommandé de choisir un accompagnement spécialisé, comme l’hypnose ou la sophrologie, pour ne pas être submergée par la peur et la douleur. Il est également important de visiter le lieu où l’on va accoucher, de rencontrer l’équipe médicale et de préciser si l’on souhaite une péridurale forte.

Traitement de la tokophobie grâce à la thérapie cognitive et comportementale

La thérapie cognitive et comportementale (TCC) peut être bénéfique pour gérer la tokophobie. Grâce à des techniques telles que la relaxation, la respiration ou la visualisation, il est possible d’apprivoiser cette phobie. Par exemple, la personne peut apprendre à se représenter mentalement une grotte sécurisante ou un accouchement réussi. Lorsque le moment de l’accouchement arrive, elle pourra alors utiliser ces techniques qu’elle aura intégrées. La TCC offre un accompagnement préventif et préparatoire pour aider les femmes concernées.

Traiter la tokophobie grâce à l’EMDR

Il est possible de recevoir une thérapie de réparation pour les traumatismes passés, en particulier dans le cas de la tokophobie secondaire, par le biais de l’EMDR (Eye Movement Desensitization and Reprocessing). Cette méthode repose sur un état de conscience modifié. La personne raconte son expérience ou se remémore mentalement la situation. Les émotions associées reviennent alors de manière similaire. Le thérapeute accompagne le patient pendant cette phase en lui demandant ce qu’il pourrait dire ou faire pour se sentir mieux. C’est une sorte de reprogrammation du souvenir, qui se fait en temps réel. Il est assez surprenant de constater que cela fonctionne très bien en seulement deux ou trois séances, même pour des événements traumatiques. Dans tous les cas, il est important de parler à un professionnel pour obtenir de l’aide et envisager une grossesse sereinement.